C’était il y a longtemps. Trois cent millions d’années, trente millions d’années, trois millions d’années, je ne sais plus trop, ma montre s’est arrêtée. La petite équipe avait trouvé refuge dans une bonne grotte comme on en trouve dans les livres de paléontologie, et le chef avait ordonné qu’on y resterait quelque temps.

Nous avions quitté le village il y a trois jours avec trois indigènes et leur chef, et mes pieds me faisaient mal à force de marcher sur cette piste défoncé. Des pluies torrentielles nous avaient obligés à chercher un refuge pour éviter de mourrir littérallement noyés. Cette grotte sombre était la seule solution que le chef avait trouvé.

Je colle mon oreille à ma montre. Aucun bruit. Pourquoi le temps me paraît-il si long ? Parce que je suis impatient de contempler ce pourquoi j'ai traversé tant d'épreuves. Je n'en peux plus de rester assis dans cette grotte à écouter ces chants que je ne comprends qu'à moitié. Je ne suis qu'à quelques kilomètres de la renommée, de la reconnaissance de mes pairs, de la décourverte qui fera de moi l'anthropologue le plus célèbre du 20e siècle.

La pluie s'est enfin arrêtée. Quand, je ne saurais le dire. Nous avons passé toute la nuit dans cette grotte et maintenant que le jour pointe et que tout le monde se lève, le chef me fait signe qu'il faut repartir. Nous reprenons la marche sur le piste, mais je ne sens plus du tout la douleur. Au fur et à mesure que nous progressons, mon coeur bat plus vite. Elle est toute proche et nous la verrons avant la fin du jour.

Et puis au détour d'un bosquet d'arbre, je la vois. Elle est là telle que je l'avais imaginé, peut-être même encore plus belle. Elle est immense et imposante, mais n'est-ce-pas là un monument à la mesure de ma gloire future ? Je ressens comme un pincement au coeur, ou plutôt comme une douleur. En baissant mon regard, je vois la lance qui dépasse de mon torse. Alors même que je chancelle et que la mort s'empare de moi, je comprends ce qui m'avait échappé lors de mon entretien avec le chef. Et toujours ces chants...


Ce billet se rapporte au jeu du sablier organisé par Kozlika. Pour bien commencer, je suis à la bourre (pour cause de panne d'Internet). Enfin bon, j'espère recoller au peloton.